La pandémie Covid 19 a obligé l’ensemble du système soins Français à adapter ses organisations et ses pratiques face à un événement sanitaire extraordinaire de portée mondiale. Comme le précisait les recommandations de l’HAS d’avril 2020, face à la grande vulnérabilité physique, psychologique et sociale des personnes souffrant de troubles psychiques, le maintien de la continuité des soins devait être un impératif dans la prise charge de ces personnes mais comment maintenir cette continuité quand la principale recommandation était de garder une distanciation sociale protectrice ? Face à cet impératif, la réponse privilégiée s’est construite autour du maintien d’une disponibilité vigilante par téléconsultations (téléphone ou vidéotransmission).
Dans cette logique, quelle pouvait être la place des équipes mobiles de psychiatrie dont l’ADN commun est l’aller-vers ce qui implique, évidemment, des déplacements et impose des rapprochements physiques ?
Si les équipes mobiles psychiatrie et précarité ont bénéficié de recommandations spécifiques, les autres dispositifs d’équipes mobiles en psychiatrie n’ont pas pu s’appuyer sur un référentiel. Mais cela était-il possible ? Les Équipes mobiles (EM) en psychiatrie se caractérisent depuis leur début par leur extrême diversité tant en termes de population cible (âge, pathologie, contexte), de moyens alloués, de domaines d’activités (sanitaire ou médicosocial) ou de répartition sur le territoire. Souvent portées par des initiatives locales, parfois soutenues par les pouvoirs publics, elles n’ont jamais pu s’appuyer sur une stratégie nationale coordonnée comme cela a pu être le cas dans certains pays.
Ces singularités locales ont du, aussi, faire face au paradoxe organisationnel qui voulait éviter les hospitalisation pour limiter les risques l’exposition et en même temps qui engloutissait de nombreux moyens (réserve sanitaire, ouverture de lits spécifiques « covid-psy »… ) par crainte d’être submergé par une vague incontrôlable, le modèle hospitalo-centré, tant décrié, restant la norme actuelle.
A l’initiative de l’AEMP (Association des Equipes Mobiles en Psychiatre) et d’ODIS-C, il est apparu essentiel dans cette période de crise de maintenir une réflexion sur les pratiques malgré leur diversité ; de créer un contexte de partage et d’anticiper des perspectives d’avenir même encore incertaines. 147 équipes mobiles de psychiatrie francophones (France, Belgique, Suisse et Canada) ont donc répondu à un questionnaire adressé par mail ou partagé sur les réseaux sociaux sur les pratiques des équipes mobiles en santé mentale pendant la période de pandémie Covid. Les premiers résultats ont été présentés à la Société Royale de Médecine Mentale de Belgique le 13 Juin et sont disponibles ici : Présentation SRMMB 13 juin
Les résultats témoignent une fois de plus de la grande diversité des équipes mobiles intervenant dans les champs de la psychiatrie et de la santé mentale. Ils apportent pour la 1ère fois des informations sur les référentiels théoriques utilisés par ces dispositifs qui, dans la littérature, sont trop souvent abordés seulement sous l’angle de l’organisation ou des modalités pratiques du soin qu’ils développent.
Comme l’ensemble des dispositifs de psychiatrie, les EM ont dû se réorganiser et les suivis par téléconsultations sous ses différentes formes ont pris une place prépondérante dans leur pratique. La facilité avec laquelle les EM ont eu recours aux moyens de consultation à distance n’est pas étonnante car la pratique de la mobilité va de pair avec une pratique de la « clinique du téléphone » pour l’évaluation (demandes, contexte, danger, risques …) mais aussi pour un suivi quotidien.
La plupart des EM ont poursuivi les déplacements sur le lieu de vie des personnes et ont mis en place des modalités spécifiques d’accueil des nouvelles demandes et des urgences.
Dans la perspective possible d’une 2ème vague, il apparaît important de poursuivre ce travail à travers un retour d’expériences pratiques. L’hétérogénéité des équipes mobiles souvent reprochée pour son absence de lisibilité pourrait permettre l’émergence de réponses innovantes inattendues.